E MBROUILLES (part 1)
 




Disclaimer: Les personnages de la série "Largo Winch" ne m'appartiennent pas, je ne tire aucun profit à écrire cette histoire. Le seul but est de divertir les fans et de me divertir en l'écrivant.



Note : Voilà je vous mets enfin cette fic que j'ai écrit avec beaucoup de plaisir. En effet de toute les fics que j'ai écrite c'est celle que je préfère car elle explore doucement différents aspect de la personnalité de Joy. Dites moi vite ce que vous en pensez….. Meli, toujours très contente de vous donner de la lecture lol.


Remerciements : Au(x) webmaster(s) du "Bunker", pour les infos et la rubrique fanfic, (bravo pour ce travail formidable), ainsi qu'à tous les auteurs de fic, sans exception. Lire vos oeuvres (et le mot est faible) m'a aidé à cibler un peu mieux les personnages (que je connaissais assez mal )
+ à Katarina (qui a un super site !)


...
Une sonnerie stridente tira l'homme de son sommeil. Il chercha à tatons l'interrupteur de sa lampe, puis arrêta son réveil. Luttant contre le sommeil, il se leva. C'était une des choses qu'il regrettait le plus de son ancienne vie : avant d'être l'un des hommes les plus puissants de la planète, il n'avait jamais eu à se lever si tôt ! Mais bon, sa position lui offrait pas mal d'avantages qui en valaient la peine. A bien y réfléchir, Largo pensait que le changement avait été trop brusque. Du jour au lendemain, il était passé du statut de vagabond, une sorte de pseudo-Indiana Jones à celui de multi-milliardaire. Une transition aurait été la bienvenue, pour apprendre ce nouveau mode de vie. Aujourd'hui, il ne se débrouillait pas trop mal, mais ça lui aurait permis d'éviter ses erreurs. S'apercevant qu'il allait être en retard, Largo interrompit ses reflexions et se doucha en vitesse. Puis il s'habilla et descendit.

Dans les bafonds de la tour, à un endroit appellé le bunker, Georgi Kerensky était réveillé depuis longtemps. Ses longs cheveux blonds tombaient librement sur ses épaules, encadrant un visage à l' expression des plus impassible. Il tapait à une vitesse étonnante sur son clavier. Certaines personnes devaient se demander à quoi servait Kerensky quand le groupe W n'était pas en situation de crise. En vérité, le travail de l'ancien membre du KGB était un boulot à plein temps. Peut-être parce-que, d'une certaine manière, le groupe W était toujours en crise. La porte du bunker s'ouvrit, laissant entrer une jeune femme vêtue de gris. Kerensky poussa un soupir discret, mais qui n'échappa aux oreilles de Joy Arden. Ces deux-là avaient autrefois été des ennemis, en fait, plutôt des adversaires que des ennemis. Même si aucun des deux ne reprochait à l'autre son passé, leurs disputes étaient courantes, mais jamais graves.
-Bonjour Joy.
-Salut Kerensky. Est-ce que tu sais où est Largo ?
L'interpellé consulta un fichier et annonça :
-En réunion avec Sullivan et les membres du conseil. Il ne te l'avait pas dit ?
-Je ne sais pas si tu as remarqué, il ne fait rien pour me faciliter la tâche.
Le boulot de Joy consistait à protéger le milliardaire de toutes les agressions possibles et imaginables. Ce qui lui laissait relativement peu de temps libre. L'argent ne faisait pas le bonheur...

John Sullivan consulta pour la énième fois sa montre. Enfin, le jeune homme arriva. Ne voulant pas le réprimander devant les autres personnes présentes, Sullivan se contenta de lui jeter un regard lourd de sens. L'ignorant, Largo prit place au bout de la table de conférence et commença.
-Il y a maintenant deux jours, un navire européen a malencontreusement percuté un pétrolier du groupe W. Il n'y a heureusement pas eu de blessés, mais une grande partie du fuel s'est deversé dans l'Atlantique.
-Je ne vois pas en quoi cela nous affecterai monsieur Winch, intervint un des actionnaires. Si l'accident est du à l'autre bateau, c'est donc à leur compagnie de nous dédomager. Ou à leur assurance.
Largo dévisagea celui qui venait de parler. Il avait pour nom Michel Cardignac, et le milliardaire le trouvait à peu près aussi sympathique qu'un essaim de guèpes. Il pensait avant toute chose à faire de l'argent, ce qui était d'ailleurs propre à la plupart des entreprises quelles qu'elles soient. Si les collègues de Cardignac ne l'appréciait pas des masses non plus, ils se rangeaient néammoins assez souvent de son coté.
-Il n'est pas question d'argent dans cette affaire, répondit le jeune homme. L'entreprise en question ne peut organiser un nettoyage de l'eau, alors que le groupe W en a parfaitement les moyens. Cependant, il me faut votre accord pour mener à bien cette action.
-Nous devrions payer alors que ce sont eux qui ont causés la catastrophe ? C'est ridicule. Il s'agit d'une dépense inutile. On n'est pas à GrennPeace ici.
Plusieurs hommes et femmes acquesièrent, il s'agissait là d'une perte de temps et d'argent. Comprenant que les choses ne tournaient pas en sa faveur, Winch opta pour une stratégie différente.
-Voyons les choses autrement, poursuiva t-il. Si personne n'agit, le pétrole étant à nous, les médias nous incomberont d'une façon ou d'une autre la responsabilité. Ce qui risque de salir la réputation du groupe, et donc de provoquer une baisse des actions. Tandis que si nous agissons rapidement, ça ne fera qu'augmenter la confiance placée dans l'entreprise.
-Et pour la cargaison ?
-La compagnie s'engage à nous rembourser la perte. Elle ne peut simplement pas nettoyer.
Ils procedèrent ensuite au vote. Ayant considéré la situation sous un autre angle, la majorité du conseil approuva la décision de Largo. Ce dernier les remercia et mit fin à la réunion. John Sullivan le regarda d'un oeil nouveau. Finalement, c'était un bon PDG. Il savait comment s'y prendre avec ses collègues, et il avait un coté humain assez rare chez les dirigeants, le revenu n'étant pas sa principale préocupation. C'était agréable. Largo Winch redorait le blason du groupe W. Sullivan referma la pièce et se rendit dans son bureau. Il appella la compagnie européenne pour la mettre au courant de la situation.

Malheureusement, on ne peut pas plaire à tout le monde. Et certaines personnes encaissent mieux que d'autres la défaite. Plus encore lorsque la personne en question appartenait à la "Commission Adriatique". Ce qui était le cas de Liddy Stanford, officiellement membre du conseil du groupe W. Elle regagna son bureau, furieuse après la réunion. Le rôle que lui avait attribuée la confrérie ne se limitait pas à celui d'un simple espion, non, elle devait véritablement prendre part au bon fonctionnement du groupe. Car leur vrai but n'était pas tant de couler l'entreprise de Largo, au contraire, lorsqu'ils la récupérerait, autant qu'elle soit prospère. Mais ce maudit aventurier qui se prenait pour un PDG ne demordait pas de sa position d'humaniste. Stanford s'assit en face de son ordinateur et se connecta sur sa messagerie. Elle envoya à ses supérieurs le compte rendu de la réunion, la goutte d'eau (ou plutôt de pétrole) qui faisait déborder le vase.

Consultant sa montre, Largo songea qu'il était grand temps de réveiller Simon. Il entra silencieusement dans la chambre de son ami. L'idée de hurler de toutes ses froces dans les oreilles du dormeur lui effleura l'esprit, mais il l'abandonna. A la place, il tira brusquement les rideaux. La lumière inonda la chambre. On entendit un grognement de dépit.
-Largo... Il est à peine...
-Onze heure ! coupa Winch.
-D'accord, d'accord, je me lève.
Aux yeux de beaucoup de monde, Simon Ovrennaz n'était qu'un ancien voleur, à qui il ne fallait accorder qu'une confiance des plus limités. Mais Largo et lui était les meilleurs amis du monde. Ils s'étaient rencontrés peu après la mort de Nerio, en prison, ce qui n'était pourtant pas le meilleur endroit pour nouer des relations durables. Depuis, les deux hommes étaient inséparables. Simon apportait à leur petite équipe un soutien moral par le biais de son humour, même si celui-ci n'était pas toujours des plus appropriés.
Quelques minutes plus tard, les deux amis rejoignaient leurs collègues dans le bunker.


Très loin de New York, dans une petite ville de France, trois des hommes les plus puissants du monde tenaient une discussion des plus intéréssantes.
-Mr Winch commence à être sérieusement ennuyeux, dit l'un d'eux.
-Très bel euphémisme, railla le deuxième.
-Ca suffit ! Plutôt que de perdre du temps en joutes verbales, nous devrions agir. Il faut se débarrasser de...
-Tuer Winch ? Il serait remplacé par Sullivan, qui semble avoir la même façon de nous emmerder que lui.
-Alors il faut se débarasser des deux.
-Deux meurtres, mêmes déguisés en accidents, des deux dirigeants du groupe W attireraient les soupcons. Déjà que peu de gens ont crus au suicide de Nerio...
Il n'y avait pas si longtemps de cela, la comission adriatique aurait pu tuer qui elle voulait, quand elle le voulait, sans jamais avoir à se soucier de rien. Mais dernièrement, Winch avait fait échoué pas mal de leur projets, et avait attiré l'attention des fédéraux sur eux. Ils avaient même faillit perdre le manuscrit. Depuis, ils se montraient plus prudents.
-Il y a peut-être un moyen de se débarasser des deux sans avoir de problème...


-Ah, Largo, Simon, salua Kerensky. Comment s'est passé la réunion ?
-Parfaitement bien, répondi l'intéréssé.
-Alors je suppose que Simon n'était pas là.
-Hé !
-Je me trompe peut-être ?
-Oui. Enfin non. Peut-être... Si on changeait de sujet ?
-D'accord. Largo, j'ai remarqué plusieurs anomalies dans l'équipement électronique du building. Rien de préocupant, mais il faudrait peut-être revoir ton système informatique. Il est de plus en plus facile à pirater.
-De toute façon, intervint Joy, le groupe W n'a rien à cacher n'est-pas ?
Elle fit un sourire complice à Largo et poursuivit :
-Surtout pas le fait que l'entourage de son PDG est composé d'un ex-voleur et de deux ex-agents des services secrets russes et américains.
-Bien sûr. Le préfice ex signifie qu'il s'agit du passé.
-Le passé a beau être le passé, il peut tout de même vous causer des problèmes, soupira Simon.


Un bip prevint Stanford qu'un message lui était parvenu. Les instructions émanaient d'un des postes les plus hauts placés de la confrérie. Après avoir appris par coeur le contenu du message, elle l'éffaça. Elle pianota encore une demi-heure sur son clavier. Puis elle quitta le batiment, prévenant ses "supérieurs" qu'elle prenait sa pause et se rendit à l'endrit indiqué. Le colis était là. Pour la confrérie adriatique, la distance n'était rien. Liddy retourna ensuite au groupe W, prenant soin de dissimuler son paquet du mieux qu'elle put. Une fois de retour à son bureau, elle commença les préparatifs. Elle sourit de l'ingéniosité de la commission. Leur plan était vraiment parfait. Il fallait néammoins qu'elle fasse très attention pour s'introduire dans le bureau de Sullivan. La jeune femme vérifia une dernière fois son équipement et sortit dans le couloir. A cette heure ci, John était censé prendre son habituelle pause-café. Elle avait très peu de temps. S"assurant que personne ne la regardait, Stanford sortit un passe-partout et ouvrit la porte. Elle se dirigea vers le bureau et y dissimula l'émetteur-recepteur.
Les progrès de la miniaturisation sont géniaux, pensa t-elle pour elle-même. Ouvrant un tiroir, elle y déposa le revolver, prenant soin de ne pas y apposer ses empreintes. Elle plaça ensuite la capsule noire dans un pot à crayons. Elle sortit le plus discretement possible de la pièce, referma la porte à clé et retourna vaquer à ses occupations, comme une parfaite et fidèle employée.


Dans l'ascenseur qui l'amenait en haut de la tour, John Sullivan songeait que le café que donnait cette machine était de plus en plus infect. Il aurait plus demander à sa secrétaire de lui en préparer, mais il jugeait que ses employées n'étaient pas des bonnes. Changer de machine à café, voilà le sujet du prochain conseil, songea John, amusé. Après tout, ce n'était pas parce qu'on se situait à un poste très haut placé qu'on n'avait pas les mêmes petits problèmes que les autres. On en avait seulement un peu moins. Il sortit ses clés. De la paranoïa ? Depuis les récents évenements, il fermait son bureau à clé, ce qu'il ne faisait jamais avant. Largo était peut-être un gentil garçon, mais il attirait les ennuis comme la lumière attirait les insectes. Le PDG aurait pu se promener avec un panneau lumineux affichant "cognez moi dessus" qu'il aurait eu le même résultat. Sullivan consulta son emploi du temps. Quand on parle du loup... Winch devait passer le voir dans une demi-heure. Un sifflement le fit légerement sursauter. Un serpent pensa t-il tout d'abord. C'était parfaitement stupide. Cela devait venir d'un appareil défectueux. Observant son ordinateur, pourtant éteint, il ne vit pas le nuage de gaz sortir de son porte crayons. Sullivan s'écroula dans son fauteuil.
-Parfait, fit une voix.
Elle provenait du dispositif installée par Liddy un peu plus tôt et était synthétique Pendant un certain temps il ne se passa rien, puis la voix se fit de nouveau entendre.
-Bonjour John. Vous devriez songer à vous réveiller.
Sullivan ouvrit les yeux, mais son regard était vide.
-Mr Winch devrait bientôt arriver. Vous allez suivre mes instructions. Tout d'abord, ouvrez le tiroir de gauche.
L'homme s'executa, tel le pantin qu'il était devenu.
-Prenez l'arme qui s'y trouve et otez le cran de sécurité.
Le déclic indiqua à la voix que Sullivan avait obéi.
-C'est très bien. Maintenant, pointez le canon vers la porte, de sorte à viser la tête de Mr Winch lorsqu'il entrera. Dès que vous entendrez une légère détonation vous tirerez. Puis vous oublierez tout ce qui s'est passé.


-Il faut que je retourne voir Sullivan, annonça Largo. Nous devons mettre au point l'organisation du netoyage des eaux atlantiques.
-Je t'accompagne, intervint Joy. J'ai perdu mes clés hier et je pense que ce doit être dans son bureau.
Simon prit un air étonné :
-Que faisais tu dans son bureau hier ?
-Je lui demandais une augmentation.
-Sans rire, coupa Largo, pourquoi tu voulais le voir ?
-Je devais lui parler du renforcement de la sécurité du parking souterrain.
-Et pourquoi ne m'en n'as tu pas parlé à moi ?
-Parce que John est plus efficace, répondit son amie avec un sourire complice.
-Je suppose que je manque un peu de pratique.
Les deux jeunes gens quittèrent le bunker. Dans le couloir, Largo fut abordé par Cardignac. Celui-ci commença à déblatérer sur la décision prise le matin. Winch lança un regard à Joy qui signifait clairement "vas-y, je te rejoins". Sa garde du corps ne se fit pas prier. Elle suportait assez mal cet homme hypocrite et devait souvent déployer des efforts de volonté surhumains pour ne pas l'envoyer au tapis. Elle fit un sourire moqueur à son patron avant de s'engouffrer dans l'ascenseur. Arrivée à l'étage désiré, elle marcha jusqu'au bureau de Sullivan et frappa trois coups brefs.
A l'intérieur, "la voix" avait entendu.
-Dites "Entrez".
-Entrez, fit Sullivan d'un ton neutre.
La porte s'ouvrit. Joy la referma. A ce moment là, la radio sous le bureau s'autodétruisit. C'était le signal indiqué. Sullivan fit feu. La détonation résonna dans toute la pièce. La douleur explosa dans le crâne de Joy. Elle tomba à genoux, sans un cri. Elle porta les mains à sa tête, tentant d'éradiquer la souffrance. Elle ne comprenait pas ce qui venait d'arriver, elle allait voir Sullivan et soudainement... Ses tempes bourdonnaient, sa vision se brouilla. Joy perdit conscience et s'affaissa sur le sol. Autour de son visage, une effrayante flaque de sang s'agrandissait... John lacha le revolver. Lui non plus ne comprenait pas ce qui s'était passé. Il avait entendu un bruit bizarre, et à présent, il observait Joy Arden, répandant son sang sur la moquette de son bureau. Une arme fumante reposait près de lui. Personne ne semblait avoir entendu le coup de feu. Qu'est-ce qui s'était passé ? Luttant en vain contre la panique, John se précipita auprès de la bléssée. Son pouls était très irrégulier. Trop affolé pour se souvenir du numéro des urgences, il sortit en courant et tambourina à la porte la plus proche. Un homme d'une trentaine d'années, dont le nom échappait à Sullivan apparut.
-Mr Sullivan ? Qu'est-ce que...
John l'attrapa par le bras et le conduisit sur les lieux du drame.
-Oh mon dieu !
L'homme saisit le combiné et appella une ambulance. Puis il s'agenouilla aux cotés de Joy, vérifiant qu'elle respirait encore.

-Ecoutez, coupa Largo, exaspéré, nous en reparlerons plus tard. Pour le moment j'ai un rendez-vous. Au revoir.
Laissant un Cardignac vexé planté dans le couloir, Largo courut vers l'ascenceur, conscient qu'il était une fois de plus en retard. C'était la journée. A travers la baie vitrée, il apercut une ambulance qui descendait la rue. Sans doute un accident de voiture. Il fonça vers le bureau de Sullivan. Et freina brusquement. Un attroupement s'était formé devant la porte.
-Qu'est-ce qui se passe ici ? John ?
Winch joua des coudes pour se frayer un chemin jusqu'à l'entrée. Sullivan, le visage décomposé, semblait fixer ses chaussures. Suivant son regard, Largo vit l'un de ses subordonnés à genoux. Joy gisait sur le sol, dans une impresionante mare de sang.
-Appellez une ambulance !
-C'est déjà fait Mr Winch, elle arrive.
-Sullivan, qu'est-ce qui s'est passé ?
-Je ne comprends pas... marmona t-il en secouant la tête.
-Joy, appella Largo, tu m'entends ?
La respiration de la jeune femme était sacadée, elle perdait beaucoup de sang.
-Tiens bon Joy. Tout va très bien aller.
Mais rien n'était moins sûr. Sullivan, qui avait partiellement retrouvé ses esprits fit sortir tout le monde. Ils risquaient de gener les ambulanciers. Ceux-ci arrivèrent deux minutes plus tard, mais il sembla aux deux hommes qu'une éternité venait de s'écouler.
-Que lui est-il arrivé ? questionna l'un des secouristes.
-Nous ne savons pas. Elle allait bien quand elle est partie...
-C'est une blessure par balle ça, annonça l'autre ambulancier. Il faut se dépécher.
Ils placèrent Joy sur un brancard et se dirigèrent vers l'ascenseur, Largo et Sullivan sur leurs talons. Arrivés dans l'ambulance, le premier homme intuba Joy tandis que l'autre s'adressa à ses deux amis :
-Je suis désolé, vous ne pouvez pas monter.
-Je vais prendre la voiture. John, je veux que vous préveniez Simon et Kerensky. Et que vous m'expliquiez tout ensuite.

Avec la confusion qui avait régné à l'étage, personne n'avait vu Liddy Stanford récupérer les restes de l'émetteur. Elle s'était ensuite fondue dans la masse. Et maintenant, elle risquait les pires ennuis. Sullivan avait tiré sur le garde du corps de Winch ! Mais qu'est-ce qu'elle fichait là ? Lorsqu'elle avait entendue la porte se refermer, elle avait déclenchée le signal. Elle aurait due attendre confirmation de l'identité du visiteur. Mais comment ne pas croire qu'il s'agissait de Winch ? Il avait rendez-vous à cette heure précise avec John. Si ce crétin n'était pas continuellement en retard, tout se serait déroulé à merveille. Dans sa colère, mélangée à la peur de devoir affronter ses supérieurs, elle ne se rendit pas compte qu'elle avait oublié la petite capsule de gaz...

Largo suivit l'ambulance, oubliant que lui n'avait pas le droit de bruler les feux tricolores et les stops. Une voiture de police finit par l'arrêter. Il expliqua brièvement la situation. Si l'agent ne semblait guère convaincu par son histoire, le fait de savoir que ce chauffard n'était autre que le PDG du groupe W le fit réfléchir. Il laissa donc repartir Winch. Quand il arriva à l'hopital, les ambulanciers étaient déjà repartis. Il courut à l'accueil.
-Une femme vient d'arriver au service des urgences, il n'y a pas cinq minutes. Savez vous où elle est ?
-Vous savez, il y a au moins une dizaine de femmes arrivées il y a cinq minutes, lui répondit-on avec un sourire triste. Si vous pouviez être plus précis...
-Elle a été bléssée à la tête et...
-Elle a été conduite en chirurgie. Vous pouvez aller dans la salle d'atente.
-Ca va être long ?
-Je n'en sais rien monsieur, je ne suis que standardiste. Je peux vous prévenir dès que j'aurais du nouveau.
-Merci beaucoup.
Mort d'inquiétude, Largo alla s'asseoir. Au bout de quelques instants, n'y tenant plus, il se rendit à l'étage du bloc opératoire, se planta devant la porte et attendit. Il fut rejoint une vingtaine de minutes plus tard par Simon.
-Largo ! Mais enfin, c'est quoi cette histoire ?
-Je n'en sais rien. On lui a tiré dessus mais... Où est Kerensky ?
-Il est resté là-bas. Il cherche à savoir ce qui est vraiment arrivé avant que quelqu'un ne fasse disparaître les pistes. Il vient ensuite. Comment va Joy ?
-Je n'ai pas vu les médecins.
Les doubles portes battantes du bloc s'ouvrirent, laissant passer trois personnes vétues de blanc. Deux d'entre elles poussaient une civière sur laquelle reposait Joy, inerte et très pâle. Un bandage blanc lui cerclait le front. Le troisième médecin se tourna vers Simon et Largo.
-Vous êtes de sa famille ?
-Nous sommes des proches. Alors, comment elle va ?
-Mal, déglutit-il. La balle n'a pas pénétré et la blessure en elle-même n'a pas l'air si grave, mais elle a été touchée à la tempe, ce qui est très sérieux. Votre amie a eu une hémoragie très importante et certains de ses organes ont donc été privés d'oxygène.
Chaque mot est aussi douloureux pour les deux amis que des coups de poignards.
-De plus, le coup a provoqué un grave traumatisme cranien. Pour l'instant, elle est dans le coma, et son état n'est toujours pas stabilisé.
-Elle va s'en tirer ? demanda Simon, redoutant la réponse.
-Je ne peux pas vous donner de réponse définitive pour le moment. Il faut attendre. Elle peut rester un temps indéfini inconsciente, si elle survit, ou...
-Est-ce qu'elle va se réveiller ?
-Je vais être très clair Mr... ?
-Winch.
-Mr Winch. Vous devriez vous asseoir.
Il désigna le banc. Largo fit un geste indiquant qu'il préférait rester debout.
-Cette femme a environ cinquante pour cent de chance de survivre. Mais sur ces cinquante pour cent, elle n'en a que vingt-cinq de revenir à elle un jour.
-C'est impossible, balbutia Simon.
Sur ce, Kerensky arriva enfin. Le docteur répéta son diagnostic. Le visage du grand blond palissait au fur et à mesure du speach.
-On peut la voir ?
-Elle est en réa. Vous devez attendre les heures de visites.
-C'est-à-dire ?
-Dans deux bonnes heures. Au fait, l'hopital est obligé de signaler toute blessure par balle à la police. Vous avez des informations à me donner ?
Largo se tourna vers Kerensky :
-Tu as trouvé quelque...
-Non, répondit très vite Georgi. Ecoute Largo, puisque nous avons du temps, nous devrions rentrer au bunker et faire le point.
Le regard de Kerensky indiquait que ce n'était pas une suggestion.
-D'accord, acquiecsa Winch à contre-coeur. [Puis au médecin] Si jamais il y a quoi que ce soit, appellez moi à ce numéro.
Il lui tendit sa carte de visite et quitta l'hopital avec Kerensky et Simon.


De retour au bunker, Kerensky vérifia minutieusement la pièce.
-Bon sang Kerensky, qu'est-ce qui se passe ? Tu as découvert quoi ? Qu'est-ce que tu voulais cacher à la police ?
-Vous feriez mieux de vous asseoir. Largo, dit moi ce que tu sais exactement.
-Joy et moi devions voir Sullivan. Dans le couloir, je suis tombé sur Cardignac. Alors j'ai dit à Joy de ne pas m'attendre. Quand je suis monté, il y avait plein de gens qui s'agglutinaient devant l'entrée. J'ai voulu voir ce qui ce passait et... [sa voix se brisa] Joy était...
-D'accord, calme-toi Largo, dit doucement Simon. Elle va s'en sortir, j'en suis certain.
Pas moi pensa Georgi, mais il se garda bien de le dire.
-Sullivan savait-il que Joy passerait à son bureau ?
-Non, il n'attendait que moi.
-La balle t'était destinée.
-Je ne suis peut-être pas un génie, commença Simon...
Il s'interrompit, s'attendant à ce que le russe lui réplique quelque chose dans le style "on avait remarqué". Mais il n'était pas d'humeur à envoyer des vannes.
-mais il me semble que Joy ait été touchée de face. Comment le tireur a t-il put se tromper
de cible ?
-Et qui a tiré ?
-Et bien, les faits semblent indiquer qu'il s'agit... de Sullivan.
-Quoi ? Non, Sullivan n'aurait jamais commis un crime de sang froid. Et nous sommes du même coté. pourquoi aurait-il voulu me tuer ?
-Je n'en sais rien Largo.
-Comment en es tu arrivé à cette conclusion ?
-J'ai interrogé le personnel. Et Alan Grant m'a certifié que John Sullivan était venu le chercher dans son bureau pour l'amener dans le sien. Il a alors vu Joy et appellé une ambulance. D'après lui, Sullivan était en état de choc. Mais ce n'est pas tout. J'ai trouvé une arme sur les lieux. Elle était encore chaude, je n'ai aucun doute, c'est avec ce revolver que Joy... a été bléssée. Non seulement elle portait les empreintes de John, mais j'ai vérifié le numéro de série. Elle est enregistrée à son nom.
-C'est inconcevable. Et puis même si c'était lui, pourquoi faire ça en plein jour, dans un lieu public, alors qu'il avait tant d'autres occasions ?
-Je ne l'explique pas. Tu sais Largo, j'ai dit que John avait tiré. Pas qu'il était coupable.
-Tu penses, hasarda Simon, qu'on aurait pu le manipuler ? Ou le faire chanter ?
-Ce sont des possibilités à envisager.
-Où est-il ?
-En salle de repos. Il était vraiment secoué.
-Toi et moi nous allons le voir.
-Je vais retourner à l'hopital, proposa Simon. C'est étrange, confessa t-il. Depuis le temps que je connais Joy, j'avais oubliée qu'elle était mortelle, comme nous. Je la croyais invulnérable...
-Pour un garde du corps, c'est un peu normal. Quand votre boulot est de prendre les coups pour les autres...
-Et inconsciement, c'est ce qu'elle a fait, réalisa Largo. Ca aurait dû être moi...
-Ca n'aurait du être personne Largo. Allons voir Sullivan.
-Et que va t-on dire à la police ?
-La vérité. Quand on l'aura découverte.

Etendu sur le divan, John Sullivan ressassait les derniers événements, essayant d'y voir clair. Il était dans son bureau. Il attendait Largo. Il se souvenait très clairement d'avoir entendu un son bizarre, comme un serpent. Et puis il avait vu Joy, le visage ensanglanté, par terre. Entre les deux... Un trou noir. Ce qui l'inquiétait. Parce qu'il avait était seul avec Joy, et qu'il y avait un revolver. Avait-il tiré sur la jeune femme ? Mais pourquoi l'aurait-il fait ? D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle venait faire ici ? Sullivan ne savait même pas comment elle allait, mais il ne fallait pas être médecin pour savoir que les balles dans la tête ne pardonnaient que très rarement. S'il l'avait tuée... Des coups à la porte vinrent le tirer de sa torpeur. Kerensky et Largo entrèrent.
-Largo ! Comment va Mlle Arden ?
-Pas bien. Simon est parti la voir.
Sullivan baissa la tête, l'air tellement triste que Largo crut qu'il allait pleurer.
-Je suis désolé.
-John, qu'est ce qui s'est passé exactement ?
Sullivan leur fit un récit détaillé de ce qu'il savait, c'est à dire par grand chose.
-Je pense que vous avez été drogué, conclut Georgi. Mais il nous faut des preuves.
-La police va venir mener son enquête dans les plus brefs délais, et je ne veux pas que Kerensky dissimule des pièces à convonctions. Plus nous serons honnêtes et mieux ça vaudra. Lorsque l'on vous interrogera, il ne faudra rien oublier. Vous leur direz ce que vous venez de nous dire. Tu parlais de preuves, continua Winch en se tournant vers le grand blond, je veux que tu fouille la pièce de fond en comble une nouvelle fois. Moi je vais repasser à l'hôpital. John, qu'avez vous fait de votre café ?
-J'ai jeté le gobelet à la poubelle. Mais ça provenait du distibuteur et...
-On ne sait jamais. Quelqu'un d'ici est impliqué, c'est évident.
Largo se leva. Il s'appretait à sortir suivi de son ami quand il se retourna.
-Une dernière chose : pourquoi possedez-vous un revolver ?
Sullivan lui lança un regard étonné.
-Largo, je n'ai jamais eu d'armes d'aucune sorte.

Tout dans cette pièce était blanc. Les murs, le plafond, la porte. La seule touche de couleur était la ligne verte de l'ECG. Simon promenait son regard un peu partout, n'osant fixer son amie. Tout lui apparaissait comme dans une copie de la réalité, un rêve dont il allait bientôt se réveiller. Ce ne pouvait pas être Joy, allongée là. Joy ne dormait jamais, ne faiblissait jamais, elle était immortelle. Du moins, c'est ce qu'avait toujours imaginé Simon. Pourtant, en y réfléchissant bien, il était évident que c'était bien la même Joy Arden. La preuve : elle était en vie. N'importe qui d'autre serait déjà six pieds sous terre à l'heure qu'il est. Pas elle. Certes elle était très mal en point, mais elle luttait de toute ses forces contre la mort. Et Joy ne perdait jamais. Oui, à présent, Simon en était convaincu, elle allait se réveiller, qu'importe le temps que ça prendrait. Comme pour le contredire, une sonnerie se déclencha. Une infirmière apparut et regarda les relevés.
-Oh non, c'est pas vrai. Docteur Williamson ! appella dans le couloir.
Ce dernier accouru aussitôt.
-Allez chercher l'assistant respiratoire, ordonna t-il.
Il saisit un petit appareil qu'il pressa, faisant entrer de l'oxygène dans les poumons de Joy. Simon, impuissant, observait le spectacle. Une vive inquiétude se lisait dans ses yeux noirs. L'infirmière revint avec une machine. Avec le medecin, ils fixèrent un tuyau sur le visage livide de Joy.
-C'est bon.
-Qu'est-ce qui s'est passé ?
-Elle a un pneumothorax, un affaissement du poumon. Nous l'avons mise sous respirateur.
[Il soupira] Je dois vous dire que c'est mauvais signe.
-Bon sang, Joy, qu'est ce que tu nous fait ?
Williamson et son assistance partirent voir d'autres patients. Resté seul avec Joy, Simon ne savait pas quoi faire. En quelques secondes, sa conviction avait été fortement ébranlée. Allait-elle s'en tirer ? Est-ce qu'il devait lui parler ? Pour dire quoi ? Autant de questions sans réponses qui tournaient dans sa tête. Puis Largo arriva. Il étreignit Simon et se tourna vers Joy. Il fronça les sourcils à la vue de l'engin.
-Comment va t-elle ? C'est quoi ce truc ?
-Largo, Joy vient d'avoir une déficience respiratoire.
Le coeur de Winch se serra. Et tout d'un coup, il prit conscience d'une chose : on n'engageait pas une personne à laquelle on tenait comme garde du corps. C'était malheureux à dire, mais on ne devait pas s'attacher à ces personnes, parce-que leur travail consistait à se sacrifier pour les autres. Ce qui n'était pas juste. Ne méritaient-ils pas la vie au même titre que leurs employeurs ? Et ces derniers, qu'est-ce qu'ils avaient de plus qui leur donnait droit de faire ça ? L'argent, le pouvoir. Oui, c'était vraiment un job odieux. Joy était bien plus pour lui qu'un simple bouclier humain, c'était une véritable amie. Il ne voulait pas la perdre.
-Joy, démarra t-il en s'asseyant au bord du lit, je crois que tu m'entends. Il faut que tu t'accroches, tu vas t'en tirer. On pense à toi, Kerensky, Simon et moi.
Il prit sa main dans la sienne.
-On va rester avec toi. Tu n'es pas toute seule.

Part 2